Concert

Le plancher de Jeannot

La Muse en Circuit Festival Extension

17mai 2013
de Sebastian Rivas
Le plancher de Jeannot : un Monodrame Ce projet est tiré des écrits qui ont été gravés à la main, des mois durant, sur le plancher de sa chambre, par un jeune schizophrène, avant de se laisser mourir de faim. Ce plancher livre un texte cru, un témoignage sur le délire et un objet d’art brut à la fois. Un objet où la frontière entre folie et expression artistique se floue.

Le plancher de Jeannot : un Monodrame

Ce projet est tiré des écrits qui ont été gravés à la main, des mois durant, sur le plancher de sa chambre, par un jeune schizophrène, avant de se laisser mourir de faim. Ce plancher livre un texte cru, un témoignage sur le délire et un objet d’art brut à la fois. Un objet où la frontière entre folie et expression artistique se floue.
Tout contre l'hôpital Sainte-Anne, dans la rue, se dressent aujourd’hui ces trois panneaux de bois gravés. Un texte libre, sans ponctuation, ni syntaxe, et dont chaque mot tracé dans la pulpe du chêne palpite de souffrance, d’hallucinations, de secrets. Une contamination sauvage qui envahit ce qui fut le plancher de la chambre de Jeannot. Ce plancher se trouve aujourd’hui exposé, enfermé derrière une vitre au travers de laquelle l’œil parvient difficilement à se frayer un chemin, parmi les multiples reflets du monde extérieur, au point de créer une image unique entre les reflets de la ville, ceux du spectateur et le plancher lui-même.
À travers le chant, la vidéo et l’écriture instrumentale, Le plancher de Jeannot met en scène la multiplicité des voix et des personnages contenus dans un seul sujet, ses moments de furie et ses accalmies lancinantes. Un théâtre musical de la démence qui s’achèvera par la chute du voile du réel.

Le Plancher de Jeannot nait de la conviction qu'au-delà du cri d'une souffrance réelle, qu'au-delà d'un drame qui en est le contexte, en tant qu'objet le Plancher de Jeannot est une œuvre d'art brut. Se pencher sur ce texte et sur l'œuvre elle-même part de la certitude que la création artistique n'est pas plus réservée aux névrosés qu'aux psychotiques, et que nul comité d'éthique ne peut décider de sa valeur artistique eu égard au contexte et aux conditions de la création. Nul ne doute de la valeur artistique de Schumann ou de Scriabin,  ni de celle de Rimbaud ou d'Henri Michaux sous l'emprise d'hallucinogènes, pas plus que de celle d'un Basquiat, ou d'un slammeur.
  Pourtant, l'immense controverse qu'a suscitée l'exposition publique du Plancher de Jeannot la toute première fois, à la bibliothèque Nationale de France, laisse entrevoir la difficulté, l'inconfort et le doute qui demeure quant à la valeur artistique de cette œuvre. Certains n'y voient que le témoignage d'une souffrance, enfermée, sournoise et délirante, qui témoigne de l'absence de prise en charge, à temps, d'une psychose familiale.

 Loin d'une volonté de controverse, ce projet est né de la rencontre fortuite, au hasard d'une rue, avec l'immense plancher. Dès  lors, nous avons été subjugués par la force de l'objet plastique, par sa radicalité, et son défi des codes établis. Il est un objet sans mémoire en ce sens qu'il ne se positionne pas esthétiquement par rapport à un genre, car il n'est pas le produit d'un artiste professionnel, d'un artiste d'école mais d'un personnage
dé-socialisé, dé-culturalisé. Au delà de la force qu'il dégage, il témoigne d'une entreprise systématique de travail, d'une réelle volonté d'expression et de transmission.  Il touche plusieurs champs artistiques, la gravure, bien sûr, mais aussi la typographie, si soignée, qui devient au final de simples trous dans l'écorce lorsque le langage qu'elle supporte se désintègre dans sa répétition. Répétition sans ponctuation et avec variation de motifs incessants, d'images récurrentes, qui en deviennent presque des slogans, de la poésie sonore qui n'est pas sans rappeler Beckett dans Cap au Pire:

« D'abord le corps. Non. D'abord le lieu. Non. D'abord les deux. Tantôt l'un ou l'autre. Tantôt l'autre ou l'un. Dégoûté de l'un essayer l'autre. Dégoûter de l'autre retour au dégoût de l'un. Encore et encore. Tant mal que pis encore. Jusqu'au dégoût des deux. Vomir et partir. Là où ni l'un ni l'autre. Jusqu'au dégoût de là. Vomir et revenir. Le corps encore. Où nul. Le lieu encore. Où nul. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore. Jusqu'à être dégoûté pour de bon. Vomir pour de bon. Partir pour de bon. Là où ni l'un ni l'autre pour de bon. Une bonne fois pour toutes pour de bon ». Samuel Beckett

 Ainsi Le Plancher de Jeannot n'est pas l'histoire de son auteur, mais de la naissance de l'objet, du processus de sublimation qui mène un esprit (la voix) vers la création artistique, comme issue à l'oppression, mais bien trop loin vers la démence.

 

Une coproduction Ensemble Sillages, La Muse en Circuit, Centre national de création musicale

Ensemble Sillages
Direction artistique : Philippe Arrii-Blachette
Soprano : Donatienne Michel-Dansac, Flûte : Sophie Deshayes, clarinette : Jean-Marc Fessard, piano : Vincent Leterme, violon : Lyonel Schmit, violoncelle : Séverine Ballon, Direction musicale : Renaud Déjardin

Composition musicale : Sébastian Rivas, Photographie, univers visuel : Jean-Luc Daumard,Vidéo : Ryan Cotenceau. Réalisateur informatique musicale : José Miguel Fernandez, Dispositif et diffusion sonore : La Muse en Circuit

Petite Salle
vendredi 17 mai à 20h30